« Je ne me considère pas comme un intellectuel, c’est-à-dire comme quelqu’un qui donne son avis sur toutes les choses à longueur de jour et de nuit. J’ai des préférences personnelles en ceci, en cela, mais ce que je pense et ce que j’essaie de faire, tout en m’adressant, pour reprendre un mot de Nietzsche, « à tous et à personne », ne peut que rester souterrain et exercer, si ça doit jamais l’exercer, un pouvoir invisible plutôt que visible. D’ailleurs, pour le dire en une formule, ce n’est pas l’homme qui pense, c’est la pensée qui pense l’homme. Tout enfants, mon frère et moi avions une gouvernante allemande qui nous mettait au lit, et chaque soir, en éteignant la lumière, elle disait : « encore un jour qui ne reviendra jamais. » Ça nous plongeait dans une sorte d’étonnement : comment un jour peut-il ne pas revenir, je devais avoir quatre, cinq ans à l’époque, et j’ai toujours encore cette impression du jour qui ne revient pas, et un pressentiment qu’avec le temps, il y avait problème. Qu’est-ce que c’était hier, qu’est-ce que c’était aujourd’hui ? Qu’est-ce que ça sera demain ? »
Kostas Axelos
" Il n'y a ni bon ni mauvais usage de la liberté d'expression, il n'en existe qu'un usage insuffisant. " L'affirmation de Raoul Vaneigem donne le ton de cet essai qu'il consacre à la liberté la plus fondamentale de l'être humain.
Pouvons-nous sortir de la forteresse « immunologique » de l’humanisme ? Car, à concevoir l’homme comme une exception au sein du règne animal, l’humanisme fabrique « un impératif de transformation fondé sur un déni de la nature » et donc travaille à sa destruction, emportant à terme l’homme lui-même. Neyrat ne se contente pas de critiquer l’humanisme des Modernes – à commencer par celui d’Érasme. Il teste également les discours philosophiques « antihumanistes » de Heidegger, Althusser et Lévi-Strauss ou « post-humanistes » de Sloterdijk, Stiegler ou Serres. Et il pointe dans la plupart des cas un attachement encore « humaniste » à l’idée d’exception, donc de privilège humain, fût-il fondé sur un défaut ou un accident évolutif. C’est ainsi qu’il met en chantier un « anti-humanisme relationnel » qui englobe le lointain ancêtre Toumaï, le cyborg de Blade Runner comme le singe Washoe s’exprimant en langue des signes : si « l’être-labyrinthe à forme humaine » est un être indéterminé, sans origine ni fin, l’erreur est de vouloir abolir cette indétermination en misant sur un progrès autodestructeur. À l’inverse, l’« héroïsme » consisterait à faire place à ce « rien » qui pourtant nous fonde. Une réflexion radicale, donc, et à réserver aux amateurs… de labyrinthe !
Une recension de Philippe Nassif, publié le 22 octobre 2015



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