
Quand tout ce qui porte le nom pompeux de structure sociale et d’institution - étant cependant quelque chose de bien plus ample et profond - , quand les formes de tout ce qui a été et est se disloquent, se désintègrent et demeurent rongées, quand religions et fois, patries et communautés, états et partis, systèmes et idéologies, familles et mariages se vident de leur substance, comme se vide le homard, pris dans la corbeille du pêcheur, à l’approche du poulpe, quand les écoles et les instituts construisent sans trêve leurs ruines neuves…
Quand tout ce qui est et se fait se trouve frappé du sceau de l’irréalité - sans nullement devenir romantique ou romanesque - et ne cesse d’être pris dans l’engrenage de la représentation; quand rien n’échappe à la théâtralité des habitudes moralisantes et morales « fondées » sur l’habitude morale (et sur quelque puissance encore plus secrète), quand tout succombe à la volonté de positivité, en plein milieu de destructions et de destructutrations des structures (les accords, aujourd’hui nettement discordants, n’ayant jamais été des constructions artificielles); quand les services publics et les formalités officielles recouvrent ce qui, sous les cendres, ne cesse de couver,
alors il ne reste qu’à continuer le jeu - pour ceux qui ne peuvent faire autrement, parce qu’il n’y a pas autre chose à être ou à faire.
Continuer, en allant de l’avant : sans nervosité excessive et sans fatalisme, continuer à … En anticipant.
Et toujours recommencer.
Jusqu’à l’éclatement final et fatal - qui viendra bien plus tard qu’on ne le pense.
Kostas Axelos, Le Jeu Du Monde, 1969